chez Miss Rose

Miss Rose m’a contactée en pleine pandémie de Philadelphie pour me demander si je voulais bien lui faire un pied à terre dans le Marais. Américaine tombée amoureuse de la France, elle rêvait de pouvoir s’offrir un refuge à Paris. Dans ce contexte sanitaire si particulier, l’urgence de vivre ses rêves a pris le pas. L’appartement a été acheté à distance et nous avons travaillé ensemble sur le projet par skype. Une belle façon de s’échapper du quotidien en bravant les interdits, pour se retrouver autour d’un projet qui nous a offert une belle escapade dans l’imaginaire. Miss Rose a cette détermination tranquille qui fait tomber tous les obstacles ; cette confiance et générosité affective qui vous portent. Elle savait avant même d’avoir acheté l’appartement que j’allais lui faire son nid et elle nous a accompagnés durant tout le chantier avec une patience et un enthousiasme qui ont fait de cette aventure un moment d’exception.
L’appartement étant de taille modeste – 16 m² – le défit était de le rendre tout à la fois facile à vivre et de lui donner du caractère. Aucune option pour séparer la cuisine de la pièce à vivre. Du coup, les couleurs du coin cuisine se sont fondues avec le reste de la pièce et les placards supérieurs se sont transformés en fresque. Le coin salon avec sa banquette habillée de tissus dans l’esprit d’un lit à baldaquin et son papier peint Antoinette Poisson se transforme en chambre la nuit venue, les rideaux cachant les rangements. Le plateau en marbre blanc sert tout à la fois de bureau près de la bibliothèque et de table de salle à manger. La salle de bain entièrement habillée de zelliges offre un raffinement discret avec ses motifs mauresques et utilise chaque recoin pour cacher des rangements.
Le choix des matériaux pour la construction comme des meubles et objets ont en commun une sorte de modestie et de noblesse. Ils sont pour la plupart façonnés par la main de l’homme et portent une authenticité : zelliges fabriquées artisanalement en Afrique du Nord, terre cuite au sol provenant d’un atelier qui utilise depuis plus de 100 ans les mêmes fours, les mêmes procédés de fabrication traditionnels, tissus tissés dans un village africain, comme la suspension en fibre végétale, cadre en carton réalisé par mon amie Béatrice, collage textile et céramiques années 1950 qui portent la sensibilité de leurs créateurs, fauteuil en châtaignier réalisé de génération en génération par une même famille, papiers peints réalisés par des restaurateurs de patrimoine qui redonnent vie au savoir-faire du papier dominoté, miroirs en osier naturel et rotin dans la pure tradition de la vannerie… Chaque choix est motivé par un savoir-faire, une dimension artisanale mais aussi une véritable expression artistique. Tous les styles et motifs se télescopent dans une joyeuse ronde : les motifs XVIIIe très français dans l’alcove, les tissus à rayures et carreaux dessinés par une styliste norvégienne et fabriqués en Afrique, le tapis turc aux dessins traditionnels, la table basse d’inspiration nordique, la table bistrot si parisienne et son fauteuil polonais signé Henryk Szataba… Il y a dans ce décor imaginé pour Miss Rose, derrière le côté sage et discret, un petit grain de folie et d’exubérance qui lui va si bien.